Le 11 Octobre,
Tout comme hier, nous n'avons marché que 3 heures aujourd'hui. Je crois que Mohan est en train de ralentir le rythme. Mais du coup, beaucoup trop. Il n'arrive pas à trouver la nuance entre 3 et 10h de marche. Est-ce aussi un trait népalais?
J'ai tenté de lui expliquer, mais malgré son beau sourire, pour aujourd'hui ça ne suffira pas à le faire continuer.
Je mets ma frustration de côté, d'autant que je découvre sur l'écriteau en arrivant au lodge : "Hospitality from the heart". Un signe peut-être. L'endroit est bucolique, et la vue sur les montagnes est sublime. C'est ok pour moi, j'accueille. Et puis, je l'avoue, dormir dans une chambre à peu près propre avec un coin douche est également une cerise sur le gâteau. Dommage qu'elle soit froide, la douche.
Donc, je prends comme un cadeau cet après midi cocooning (au programme douche, petite lessive à la main, méditation, sieste et écriture). Soudainement, la pluie se met à dégringolée! Ouf, il n'y a pas de hasard. Merci Mohan.
Je me rends compte que partout à l'extérieur, les sangsues savourent cette humidité grandissante. Heureusement, ma porte n'est pas ajourée De ma fenêtre, je vois les rizières aux dégradés de vert dignes d'une oeuvre picturale. Je pourrai rester des heures à les regarder.
Durant le déjeuner, j'ai fait la connaissance d'un petit groupe de français. Ils étaient 4, retraités (3 hommes et une femme). Ils parcourent le Népal, qu'ils connaissent relativement bien, pour y être déjà venus. Je trouve réconfortant de pouvoir communiquer sans la barrière de la langue, comme ci cette familiarité pouvait soutenir, stimuler...D'autant que Mohan est assez limité dans la compréhension du français. Belle rencontre.
Demain, nous partirons en direction des sources d'eau chaude, à Jhinudanda. Je ne sais pas trop à quoi m'attendre, je connais les merveilleuses "aguas callientes" du Pérou, et je me dis que ça peut être sympa d'en découvrir d'autres. Néanmoins entre la pollution des rivières, les sangsues et mon énorme ampoule pas belle à voir, je doute que l'expérience soit réellement un moment de détente. Allez, nous verrons bien.
Grâce au wifi, je peux me connecter dans ce lieu. Je découvre les messages de ma petite famille. C'est une bouffée d'air pour moi, une sorte de nourriture pour mon être. Je réalise ce que "l'autre" en tant qu'individu libre et aimant, peut nous apporter. Je suis profondément convaincue que nous sommes chacun, des êtres entiers, unifiés par la conscience qui est en nous, et par définition potentiellement libres et précieux. L'autre nous apporte un reflet, une autre perception de la vie, une autre vérité. Et je reconnais sa nécessité et son importance. Sa présence est essentielle pour qu'intérieurement nous puissions chacun, gagner en sagesse, en lumière, en éveil. Se suffire à soi-même, serait un acte désespéré. La somme de toutes ces lumières incarnées est une force universelle.
Cette source inépuisable, infinie qui se trouve en nous, vibre, rayonne, nous rend ébahie devant la beauté du vivant. Il y a mille et une manières de s'y connecter, de la retrouver, de l'activer et de la faire renaître. L'expérimenter, c'est vivre autrement. C'est vivre avec plus de présence, de conscience et d'amour. Cette force incroyable est à notre service et notre portée. La voir, l'entendre et la ressentir c'est lui faire honneur.
Après ces quelques heures passées au repos, Mohan me propose de profiter des derniers rayons du soleil qui viennent enfin éclairer les sommets qui nous font face, pour prendre un verre. Il m'a commandé "une bière locale" dit il. Je découvre ce breuvage...Alcool de millet chaud. Ce n'est vraiment pas bon! Mais je suis ravie de partager ce moment avec lui. Nous avons parlé de sa vie, de son fils, de sa femme, du foot, de sa religion. J'entends sa spiritualité comme une sorte d'échappatoire à un quotidien bien pauvre, et selon moi bien enfermant. Mohan est-il heureux? Quel est sa définition du bonheur, si ce n'est "la normalité". Je m'interroge, que ferai-je à sa place? Est-ce que moi aussi je m'abandonnerai à cette destinée "normale" fait d'efforts, de sacrifices et de labeurs?
Bien évidemment, ma propre perception est fausse et peu entendable, car elle est conditionnée à mon histoire, ma culture et mon environnement. Autant de questions tellement ouvertes, qu'aucunes réponses ne peut y être apportées.
La soirée fut bonne.
Belle nuit.