le 7 octobre,
Après plus de 9 heures de marche, et je n'exagère pas, je savoure cette soirée avec un goût tellement spécial. J'ai le corps endolori par mon sac de 17 kg. Chaque pas résonne dans mes genoux, le bas de mon dos, mes épaules semblent ratatinées...Et le clou du spectacle, je me suis faite une ampoule comme jamais je n'ai eu. Je me dis que 9 heures la première journée c'est trop. J''en ai fait part à Mohan. Il a dit ok, demain on marchera moins.
Les paysages sont merveilleux, la couleur verte prédomine, et ne manque pas de nous montrer ces plus belles nuances. Je découvre un lieu fait de rizière, de forêts denses, de petits chemins, de marches, de roches et au loin se dessinent les plus hautes montagnes que j'admire tant. C'est magnifique.
Autre petit bémol, la mousson n'a toujours pas cessé. Malgré l'inconfort de ma cape de pluie qui me colle à la peau (à cause du vent), je me sens toujours aussi chanceuse de vivre ces instants authentiques. Par moment, j'ai même remarquer que ma pensée était ailleurs, comme lorsque l'on médite. J'étais à la fois ici et là-bas...Le corps lourd avance au rythme de ma respiration, et c'était presque léger cette sensation. Mon fils aurait dit : "maman, tu marches comme un zombi". Et il n'est pas si loin de la réalité. Quand le corps est douloureux, il arrive un moment où la conscience s'égare.
Je sens très fort le curry (enfin c'est ce que je me dis). Je suis imprégnée de cette odeur. A chaque mouvement, je me sens presque gênée de croiser quelqu'un..."Namasté"!
De belles rencontres sur mon chemin. D'abord ROSHNI, petite fille de 12 ans, qui m'a fait visité sa petite maison. J'ai fait la connaissance de ses deux parents, qui nous ont gentillement, invité à boire un black tea. Mohan s'est chargé d'acheté des bananes, en me disant qu'il fallait que je prenne des forces. J'ai obtempéré, même si je n'avais pas faim. Cette petite pause était vraiment sympathique. Nous avons bien rigolé. Après avoir réalisé un petit tik tok avec Roshni, elle m'a proposé de me mettre la tika sur le milieu du front, comme elle, pour me souhaiter bonheur. Comment? On me badigeonnant du riz mélangé à un yahourt et des pigments rouges. Je me suis prêtée au jeu. Sa maman nous a rejoint, et c'est elle qui a le plus rit. Je crois que le mot qui convient c'est "tartiner". J'en avais plein le front, et le riz dégoulinait partout. Lorsque nous avons repris la marche, toujours sous la pluie, les népalais souriaient en me voyant. Je crois que mes vêtements étaient baptisés par cette matière visqueuse et rouge...Mon image en a pris un sacré coup...NAMAS.....té....
Puis ce soir, j'ai fait la connaissance de notre hôte, un jeune homme souriant et vraiment gentil. N'ayant ni lavabo, ni douche, ni eau chaude, il m'a cependant proposé de me faire chauffer l'eau dans une grosse bassine en métal. J'ai accepté de me laver à l'ancienne, j'ai trouvé cette expérience même plutôt marrante. Et sincèrement, je me sentais tellement sale et mouillée de partout, que je n'ai même pas réfléchi.
Il nous a préparé le repas du soir, nous avons échangé sur sa vie, qu'il trouve "normale". Il est tellement heureux de vivre dans ses montagnes. Comme Mohan d'ailleurs, avec qui j'ai pu discuter un peu plus longuement ce soir. Mohan me dit qu'il est guide depuis 25 ans. Il aurait arpenté les chemins des Annapurnas plus de 25 fois. Mais depuis le séisme de 2015, et le COVID, sa vie s'est précarisée. Il me confie qu'il n'a pas beaucoup d'argent et qu'il vit dans une petite maison de 10 m2 qu'il loue très cher. Avec sa femme, il tient un petit commerce de tea et de café (petit bar). Depuis juin, son fils est parti en Australie, pour le travail. Très dignement, j'entends, au travers ses propos, qu'il lui manque beaucoup. Il ne reviendra probablement jamais au Népal, il en est convaincu. Je vois dans ses yeux sa peine.
Quelle vie, ici, pour tous ces jeunes?
J'ai conscience de la chance que j'ai. La France est belle et nous offre tellement de possibilités ! Malheureusement, je sais que parfois je l'oublie. Les voyages nous offrent la possibilité de se reconnecter à l'essentiel. Je remercie ma conscience de m'apporter sa plus belle lumière.
Belle nuit.