Le 13 Octobre,
Ce soir cet écrit est vraiment libérateur. Je me trouve à Bamboo, à deux jours du camp de base des Annapurnas. Je devrai être ravie, et pourtant...Je me trouve dans un lodge très touristique, où règne une ambiance de hall de gare. J'avoue ne pas parvenir à prendre un peu de recul par rapport à Mohan et son manque de professionnalisme... Je suis stupéfaite par sa manière d'organiser mon itinérance dans ces hautes montagnes, de sa légèreté face aux refus successifs et nombreux des propriétaires des lodges que nous rencontrons, son manque d'initiative et d'esprit critique.
J'aimerai qu'il comprenne que pour moi, il est très inconfortable de me voir refuser le gîte et le couvert simplement par ce que les groupes sont prioritaires (rentables). C'est inconfortable parce qu'un refus, c'est deux heures de marche en plus, c'est arriver à la nuit tombée sans aucune assurance de dormir dans une chambre. Mohan paraît gêner lorsque je lui signifie mon mécontentement, et pourtant je sens bien que je me heurte à une différence culturelle majeure!
La journée a mal débuté. Après avoir pris mon petit déjeuner, je me suis aperçue que le petit loquet en bois de ma chambre s'était refermé tout seul. Mon sac était donc coincé à l'intérieur, sans que je ne puisse entrer par un autre endroit. Bref, au bout d'une heure de réflexion népalaise sur la façon de procéder pour entrer (inertie...), je donne un coup de pied dans la porte...La propriétaire n'a pas aimé et me l'a fait comprendre. Pourtant, j'étais persuadée qu'un second aurait pu délivrer mon sac. Et non il me fallait attendre qu'une solution arrive, de je ne sais où ? (sans trop y croire, puisque rien n'était vraiment tenté). Peut-être devrais-je prier moi aussi?
Soudain, je pense que mon coup de pied et les discussions incessantes devant ma porte, ont réveillé un groupe de jeunes indiens. L'un d'eux me proposa son aide, et d'un mouvement brusque, défonça la porte. Délivrance, nous allons enfin pouvoir quitter ces lieux... Merci, merci!
Cette scène a bien fait rigoler Mohan, apparemment friant de ces moments presque burlesques.
J'ai beaucoup aimé la marche qui a suivi. Les paysages étaient magnifiques, et le soleil enfin présent. Quelle chance d'être ici et de vivre toutes ces expériences incroyables. J'ai savouré cet instant comme une douce accalmie. Tout était génial, y compris le déjeuner en terrasse. Jusqu'à ce que nous commencions à chercher un lodge. Il n'était que 14h.
(...)
Nous venons de marcher 10 heures. Deux heures avant, nous nous trouvions face à un lodge, et nous souhaitions nous arrêter pour la nuit. Hélas, toutes les chambres étaient apparemment réservées. J'ai bien vu qu'il n'y avait encore personne.
Les explications de Mohan étaient nébuleuses : à la fois il m'affirma qu'elles étaient toutes réservées, et paradoxalement, nous, nous ne pouvions pas en réserver.
Il était 16h, et la nuit commençait à tomber. J'ai insisté pour que Mohan contacte le lodge suivant, plus haut. Ce qu'il a fait devant moi. Il s'est entendu dire qu'il n' y avait pas de places, que tout était complet. La négociation étant un acte difficile pour lui, il choisit de tenter notre chance plus haut, malgré le refus.
J'étais blasée, et ce fut pire quand j' ai senti la première goutte de pluie tombée sur mon visage...Je crois que je n'ai jamais marché aussi vite, avec ma frontale. Arrivée à Bamboo, trempée, je me suis mise à l'abri dans un grand lodge, où les touristes affluaient. Pour l'heure, entourée de guides et de porteurs népalais, il me fallait attendre patiemment devant un black tea (Mohan m'avait servi sans que je lui demande). C'est la première fois que je le voyais arpenter aussi rapidement tous les lodges alentours pour me trouver une place.
En vain.
De retour, la mine déconfite, il me dit que je n'avais qu'une solution, celle de dormir dans cette pièce avec les guides et les porteurs népalais. Ce à quoi, j'ai refusé. A cet instant, j'ai vraiment senti que je perdais patience, pour autant, très calmement je lui ai répondu que c'était impossible, et qu'il se débrouille pour me trouver autre chose.
Ce qu'il fît rapidement. Le propriétaire proposa de monter une toile de tente pour que je dorme seule dehors. Vu mon état d'humidité et de fatigue tant physique que psychologique, je refusais catégoriquement. Je pense qu'à ce moment-là, les deux ont compris que ce "non" était leur dernière chance avant que je m'emporte. Je n'ai pas eu à le faire, car dans les minutes suivantes, le propriétaire me présenta une énième et dernière solution à mon problème. Une chambre, pour le moment libre, que je devais partager. A bout de nerfs, j'ai bien évidemment accepté. Je déclinais le repas du soir avec Mohan, je sentais que la fièvre montait.
Je pris le temps de me brosser les dents, tant pis pour la douche (au regard de l'hygiène...). Il n' y avait qu'une douche pour au moins une vingtaine de chambre. Autant dire que c'était peine perdue.
Je me suis couchée dans mon duvet, humide et dépitée, et c'est là qu'il me fallait écrire.
Ok, je me trouve dans une chambre d'environ 6 mètres carré, avec quatre lits qu'il me faut partager. L'hygiène est vraiment minime, mais en plus chaque lit se touche. Et si ce n'était pas des français? Sans doute que je vais devoir parler en anglais. Et si ce n'était pas des femmes? Et si ce n'était pas des occidentaux? Et si c'était des népalais, ou des indiens?
Et si, et si, et si.....
A l'instant même, on frappe à ma porte!
Bon et bien bingo! 3 indiens viennent d'envahir mon espace de vie....Je me dis que la nuit va être très très difficile! Je le sais déjà, rien qu'à les entendre cracher...Ils n'ont vraiment pas l'air méchants, mais je sens que les ronflements et le reste vont vraiment m'agacer!!!
Mohan m'a dit toute à l'heure que plus nous allons monter, pire ce sera pour trouver un lodge. Je suis stupéfaite, et partagée par mon envie de poursuivre mon ascension ou renoncer. Je déciderai demain si nous continuons à monter ou bien si nous redescendrons. Je ne me vois pas vivre ces moments de grande solitude tous les soirs jusqu'au camp de base à 4130 m d'altitude.
J'ai froid, toutes mes fringues sont trompées, il n' y a pas de wifi, je dors à côté de trois indiens tête bêche, lesquels font des choses horribles avec leur corps (crachent, ronflent, et tout ce que vous pouvez imaginer).
Je vis une chose incroyable....
Je vais tenter de trouver le sommeil! je pense que d'ici quelques jours je pourrai en rire. Mais pour l'heure...
Allez dormons!